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vendredi 22 avril 2011

LES AGRESSEURS DU MONDE


Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, n’a pas su ou pas pu se retenir. Il a commenté les annonces du président Bouteflika. Elles vont «dans le bon sens». Il faut encore une fois rappeler à Alain Juppé comme aux Algériens qui ont accepté le principe de sa déclaration que, dans la droite ligne de la logique démocratique, seul le peuple algérien est en droit de décider quelle est la bonne ou mauvaise direction pour notre pays. Et que seul le peuple algérien est en droit de décider qui est ou n’est pas dans la bonne direction.Jusque dans les années 80, cette intrusion du gouvernement français dans le débat et dans les choix politiques nationaux aurait soulevé une tempête de protestations de la part de l’opinion publique nationale, pouvoir et opposition confondus. Il faut inlassablement répéter ce constat car il est lourd d’enseignements et de périls immédiats sur l’unité territoriale du pays et du peu qui reste de l’Etat national. Car il doit en rester bien peu pour que se multiplient, sans réponse significative, ces ingérences de toutes parts. Il faut ajouter à ce constat l’aisance à demander et à exiger ces ingérences de la part de cercles politiques, économiques et médiatiques indigènes. En nous laissant devant cette angoissante interrogation de comprendre pourquoi le pouvoir donne droit de cité à ces ingérences quand elles le flattent et valident, ainsi, une sorte de constat de droit du maître, de droit du plus fort, car ces ingérences se font toujours à sens unique. Personne ne se souvient que le gouvernement algérien ou l’un de ses ministres ait porté des jugements de ce genre sur les discours ou les annonces de M. Sarkozy, pas même pour les affaires qui nous touchent directement par leur implication comme cette stigmatisation permanente de l’islam et des musulmans orchestrée par des hauts responsables fortement marqués par leur appartenance au courant revanchard «Algérie française» et «Occident».

Quand l’ingérence est normalisée
Le drame est que même des gens très intelligents ont repris ces propos comme s’il s’agissait d’une plus-value pour le discours de notre Président sans mesurer l’ingérence. Est-ce si difficile de comprendre ce principe ? Selon toutes les apparences, oui ! Et selon toutes les apparences, les Algériens ont beaucoup changé dans leur perception du message politique et ils ont beaucoup perdu de leur sagacité et de leur subtilité. Car le commentaire d’Alain Juppé ne constitue pas seulement une ingérence flagrante dans notre vie politique interne. Dans le contexte actuel, il s’agit aussi d’une appréciation de ce que permet le rapport des forces actuel et d’un message fort aux impatiences des promoteurs du CNT algérien et de tous ces candidats Ouattara qui attendent un retour d’écoute, qui croient avoir donné la preuve, par l’échec de leurs marches du samedi, de la nature dictatorial du régime et du caractère retors du Président. Et le message est simple : il n’est pas possible de mettre un deuxième fer au feu et avec leurs prolongations libyennes pas question de commencer la première mi-temps du match avec l’Algérie.Car il existe plus que des ressemblances entre la Libye et l’Algérie. Et d’abord au niveau de la sémantique ; là où se jouent l’orientation des esprits et la gestion des foules. Reprenez leurs déclarations et lisez-les attentivement. Le fond est identique à ce qui se dit de Kadhafi. La thèse que le régime est autiste et non amendable, on ne peut rien faire avec lui, on ne peut pas le croire, il revient sur ses promesses, il est imprévisible, etc.Bien sûr, aucune preuve n’est donnée de son autisme à part les problèmes inextricables créés par le drapeau que l’opposition partage avec de larges secteurs du pouvoir : le libéralisme et ses réformes destructrices. Le seul moteur viable dans ces conditions reste la colère, le ras-le-bol qui empêche toute raison, l’exaspération qui vous fait haïr les visages plus que les idées, le sentiment de noyade qui vous rend vital le départ de ces têtes. Et donc, il faut développer ces sentiments et les transformer en poudrière dont l’étincelle serait la première grande émotion publique créée par un incident quelconque avec la police, la gendarmerie ou l’armée.Le problème est que, dans notre pays, ce moteur ne fonctionne que dans le cercle restreint qui a cru son heure arrivée avec la normalisation de l’ingérence. Le cas Libyen fournit en plus la jurisprudence pour faciliter les prochaines interventions étrangères. Il ouvre aussi d’autres perspectives politiques inespérées comme celle de créer une Union pour la Méditerranée qui n’en regrouperait que les pays démocratiques.

Le nouvel habit du néo-colonialisme
Maintenant que le CNT Libyen promet tout le pétrole à la France, à l’Italie et à la Grande-Bretagne, cette UPM-Démocratique peut compter sur l’argent libyen pour refaire une santé aux économies en crise du Nord-Méditerranée. Pour le Sud, on l’encensera avec la fumée de sa barbe. Et aux dictatures, on fera quelques guerres. Cela permettra d’ajouter l’argent algérien à celui de la Libye. Il y a comme des rêves de proxénètes qui pénètrent l’idéologie néocoloniale ; l’hyper puissance technologique «fantasmatise» la pensée politique des dominants et lève tous les obstacles du réel devant leurs fantasmes. Et devant les fantasmes de nos «demandeurs d’ingérence». La déclaration de création du CNT algérien, le moment venu, laisse profondément perplexe. Il suffirait que les membres de la CNCD cooptés par affinité politique et incapables de rassembler quelques dizaines de personnes ; il suffirait, donc, que ces membres de la CNCD se réunissent pour dissoudre les assemblées élues, le gouvernement, désignent un conseil chargé de gérer le pays et une transition et de prendre le commandement des forces armées. Comme cela ? Rien qu’en le décidant ? Mais alors qu’est-ce qui pousse à tant de confiance chez des hommes politiques dont toutes les initiatives montrent à l’envi leur absence totale d’ancrage social et leur inexistence comme courant d’opinion ? Sur quelles forces comptent-ils pour mener à bien une action qui frappe tout à la fois les foules du RND/FLN et des islamistes. Ça demande des forces sérieuses un tel projet ! Relisez l’essentiel de la plate-forme de cette CNCD et demandez-vous par quels moyens et au moyen de quelles forces la CNCD peut mener cette tâche herculéenne :
1) Une conférence nationale… aura pour mission de désigner un conseil national de transition démocratique (CNTD)2) Le CNTD sera composé de personnalités résolument engagées pour le changement démocratique. La durée de son mandat ne saurait excéder douze mois. Ses membres ne pourront postuler à aucune candidature ou responsabilité après la phase de transition.

3) Le CNTD aura à :
- Dissoudre toutes les institutions élues.
- Nommer un gouvernement de transition pour gérer les affaires courantes.
- Engager le pays dans une refondation nationale dont la clé de voûte sera la rédaction d’une Constitution qui sera proposée au peuple algérien par voie référendaire.
6) Durant cette phase de transition, l’armée et l’ensemble des services de sécurité seront placés sous l’autorité du CNTD. Ils auront pour mission la défense du territoire et du caractère républicain et démocratique de l’Etat.

Et si vous croyez avoir mal compris, un des dirigeants de cette CNCD enfonce le clou : «La participation à ce conseil est ouverte à tous les Algériens qui croient en le caractère républicain de l’Etat.» Les animateurs de la conférence de presse excluent, par contre, «ceux qui croient en le changement à l’intérieur du système» et «les islamistes». «Il est évident qu’on ne peut pas constituer un conseil de transition avec les dirigeants actuels», a indiqué Moulay Chentouf.
(evenement.algerieinfo.tk).

La guerre au service de l’expansion économique
La réponse se trouve en partie dans cet autre fantasme guerrier d’un projet d’union pour la Méditerranée démocratique. On ne peut le comprendre autrement que comme un fantasme guerrier car la logique d’une telle union est de combattre les dictatures et de les éliminer. Elle n’a pas de sens en dehors de cette déclaration de guerre aux dictatures et de soutien aux démocrates. Il suffit désormais que le groupe putschiste se déclare démocrate et prêt à appliquer dans le pays les normes de gouvernance que définit l’Europe pour être en droit d’attendre une intervention étrangère. Nos candidats aux bombardements démocratiques devront attendre. L’os libyen occupe suffisamment les matamores de la démocratie aux odeurs de pétrole, surtout que les BRICS ont condamné l’agression libyenne. Et même les matamores du bombardement démocratique ne peuvent ignorer l’avertissement de la moitié de l’humanité et de l’essentiel de l’avenir économique mondial.Cet aveu des limites de l’action française aurait dû encourager notre gouvernement à plus de sérénité dans la tempête qui souffle sur nos contrées. Nous pouvions croire à cette fermeté et cette sérénité algériennes après le discours du président Bouteflika. Il a quand même réaffirmé trois principes essentiels, malgré les énormes pressions que nous devinons. Premièrement, la relance du développement en s’appuyant sur le secteur public et sur le privé. Les richesses de l’Algérie ne profiteront pas qu’aux seuls importateurs, et avec le secteur public l’Etat se redonnera le moyen de son action économique. Deuxièmement, de nouvelles règles de la vie démocratique associeront la population à la discussion sur les cohérences des différentes politiques nationales. Ce deuxième point a généré la rage des droites. Avec des élections transparentes et sincères, les animateurs de la CNCD et les pompiers du libéralisme qui crient au danger du retour de l’Etat et du socialisme (sic) obtiendront encore moins de voix que pendant les élections législatives de 1991 où ils sont apparus à l’état de trace. L’élargissement des droits et libertés démocratiques pourra en outre profiter aux organisations populaires et de la jeunesse pour développer leurs luttes sociales et disputer encore plus l’Etat aux influences souterraines des lobbys de l’import et import et conditionneurs déguisés en producteurs. Troisièmement, le principe de la souveraineté nationale, la non-ingérence et leur corollaire la validité des Etats nationaux. Tous les Algériens qui n’ont d’autre patrie que l’Algérie et leur travail honnête ont compris que le Président a exprimé là un consensus fort : pas question, quelles que soient par ailleurs les «navigations» diplomatiques, de revenir sur le principe d’indépendance nationale. C’est la réponse à la coalition et à tous ceux qui nous ont menacés après la conférence de Londres. C’était aussi une réponse à la première campagne de pressions sur l’Algérie montée à partir de la fabrication d’infos sur la présence de mercenaires algériens.


Une autre voie, une autre alternative
Il est remarquable, enfin, que dans le même discours le principe d’indépendance nationale soit associé au choix du développement national. C’est une percée considérable de la pensée politique du pouvoir : aucun peuple ne soutient l’indépendance pour le seul folklore et aucune indépendance ne peut être défendue si elle ne profite à tous. Aux travailleurs, aux jeunes, aux mères de famille, aux paysans de donner à cette ouverture et à cette avancée la force de leurs luttes pour plus de justice et plus de développement.


Il s’agit bien d’une avancée théorique car, enfin, on comprend concrètement que la première arme et l’arme la plus redoutable contre les menaces extérieures reste la force des liens entre le peuple et sa patrie. Bien sûr, le pouvoir devra très vite corriger ses inconséquences et offrir des perspectives, des discours et des pratiques conformes aux annonces du Président. Mais alors c’est toute la force du peuple algérien qui se lèvera pour la défense du pays et la défense des dirigeants qui auront su lutter à ses côtés et pour les intérêts de chacune de ses parties et de l’ensemble de ses composantes. Les cheminots, les paramédicaux, les résidents, les enseignants, les communaux, les fonctionnaires, mais, surtout, les étudiants se sont levés pour réclamer leur part du pays et leur part du pétrole. Il s’agit effectivement de luttes sociales mais elles frappent au cœur des orientations du FMI et de la Banque mondiale que le pouvoir a continué à appliquer sans nécessité aucune, créant ainsi les conditions du désespoir et celles de l’expulsion des cerveaux dont on reconnaît, une fois de plus, le coût terrifiant pour le pays sans corriger la bêtise fondamentale du suivisme qui a mené à leur donner des salaires infamants.C’est à cette jonction entre indépendance, rôle de l’Etat national, et restitution des richesses de l’Algérie à l’ensemble de son peuple que peut se fonder la pérennité d’un pays appelé Algérie.Alain Juppé vient nous le rappeler encore une fois. Il a plastronné en rendant publique une conversation téléphonique avec notre ministre des A E. Il a joué le coq dominant qui s’est vanté des justifications et des démentis de notre ministre. Derrière le «nous avons une conversation cordiale», ses interlocuteurs ont parfaitement compris que notre ministre a accepté le principe d’être interpellé sur la base d’une rumeur et a accepté d’y répondre. C’est à la France de s’expliquer sa présence en Libye en dehors du mandat de l’ONU, sur la destruction de l’armée libyenne qui n’est pas prévue par la résolution et surtout de s’expliquer sur l’instabilité et les menaces qu’elle crée à nos frontières. Alain Juppé organise, avec cette histoire de mercenaires algériens, des frappes préventives contre une éventuelle protestation de l’Algérie pour les futures étapes de son aventure coloniales en Libye : sa nécessaire présence au sol avec ses conseillers militaires pour la partition de la Libye.


Il est temps pour nous de réfléchir aux causes proches et lointaines qui permettent aujourd’hui tant d’impudence à la France néocoloniale et tant d’impudence aux Algériens qui nous menacent de son intervention. Il est temps car cette guerre de reconquête coloniale ne résoudra aucun des problèmes qui l’ont rendu nécessaire : le progrès des BRICS sur l’ensemble des marchés mondiaux, et d’abord en Afrique, avec d’autres méthodes et d’autres logiques que celles du pillage éhonté. Les BRICS nous montrent d’ores et déjà que, sur le plan mondial, existe une force alternative à celle du vieil impérialisme en déclin.

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