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jeudi 1 mars 2012

QUI A PEUR DE TITUS EDZOA


1997-2012. Condamné le 3 octobre 1997 à 15 ans de prison ferme, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République aura bientôt purgé l’intégralité de sa peine. Ce qui n’est pas synonyme de liberté.

Quinze ans d’incarcération. Le compte y est en cette année 2012 ! Le 3 octobre prochain, en effet, Titus Edzoa,
ancien secrétaire général de la présidence de la République (1994-1996) aura formellement purgé sa peine de 15 ans de prison ferme, infligée après un procès de quelques heures, le 3 octobre 1997, par le tribunal de grande instance du Mfoundi, pour détournement et tentative de détournement de fonds publics. Si le célèbre prisonnier est quasiment au bout de sa peine judiciaire, il n’est cependant pas au bout de ses peines.

Comme dans un véritable parcours du combattant, Titus Edzoa est arrêté au début du mois de juillet, trois mois après sa démission du gouvernement et à la suite de l’annonce de sa candidature contre Paul Biya à l’élection présidentielle d’octobre 1997, qui pointe alors à l’horizon. Le 3 juillet 1997 précisément, un mandat de dépôt est décerné contre lui et celui qui est présenté comme son complice, Michel Thierry Atangana. Il est d’abord envoyé à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, où il séjourne dix-huit jours. Le 22 juillet dans la nuit, il est transféré au secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie nationale (Sed) où trône Amadou Ali, qui était alors secrétaire général de la présidence de la République cumulativement avec ses fonctions de Sed.

Alors qu’il est détenu au Sed, en août 1997, on lui notifie un dossier de détournement de fonds publics à hauteur de 350 millions de FCfa. De quoi s’agit-il ? Ces fonds sont issus du stock régulateur, dont le montant cette année-là est de 3 milliards FCfa, géré par l’ex-Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb) et l’ex-ministère du Développement industriel et commercial (Mindic). La somme présumée détournée correspond au surplus des fluctuations des prix du cacao et du café.

Deux septennats
Titus Edzoa, alors secrétaire général de la Présidence de la République, est accusé d’avoir instruit le ministre du Développement industriel et Commercial de supporter, sur ce stock, le règlement d’une charge financière de l’État à hauteur d’un milliard de Fcfa. Conformément aux instructions, l’argent est transféré dans le compte de l’ambassade du Cameroun à Paris. Toujours sur instruction du Sgpr, le percepteur, un certain M. Ketchanke, qui a été entendu au procès, transfère cette provision venue du Cameroun dans un compte au Crédit industriel et commercial ouvert en France au nom de « Copisur ». Le percepteur ne vire cependant qu’une première tranche de 350 millions de FCfa, ceci, contre l’avis du ministre de l’Économie et des Finances, Justin Ndioro, qui lui aurait demandé de ne pas effectuer l’opération.

Pour cette affaire, sans véritablement pouvoir se défendre, Titus Edzoa est condamné pour détournement de deniers publics et tentative de détournement de deniers publics. « En 1997, lors de ma première comparution, privé d’avocat, j’avais refusé de m’exprimer. Plutôt que de renvoyer l’audience, en une nuit, ils m’ont condamné à quinze ans, soit deux septennats », confiait-il l’année dernière à Jeune Afrique.

Dans les délais, il interjette appel et la cour d’Appel du Centre annule le premier jugement, pour des questions de forme. Lorsque l’affaire est réexaminée le 27 avril 1999, la cour d’Appel condamne Titus Edzoa à 15 ans de prison ferme. Il nie les faits. Mais le pourvoi en cassation introduit sera rejeté. Les peines seront maintenues.

Celle privative de liberté expire cette année et aurait pu se traduire par la fin de l’incarcération de l’ex-Sgpr. Mais comme dans une parfaite synchronisation, à l’approche de la fin de la première peine, de nouvelles charges lui ont été signifiées. Mais frayeur pour ses bourreaux, après 12 ans d’instruction sur une nouvelle affaire de détournement d’un peu plus de 60 milliards de FCfa, le juge Pascal Magnaguemabe a conclu, le 23 octobre 2008, que l’essentiel des poursuites contre Titus Edzoa et Thierry Michel Atangana étaient infondées. Cette décision donnait raison à Titus Edzoa, qui a toujours nié ces accusations.

Rouleau compresseur
Mais le 3 février 2009, la chambre de contrôle de l’instruction judiciaire de la cour d’Appel du Centre invalide l’ordonnance du juge d’instruction, sur appel du ministère public, après, dit-on, un coup de colère de l’ex-vice-Premier ministre chargé de la Justice, Amadou Ali, irrité par l’ordonnance de Pascal Magnaguemabe. Titus Edzoa et cie devront donc s’expliquer sur le détournement de fonds alloués au financement du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bonis (Copisur) et à l’organisation d’un sommet de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) en 1996. « Tout cela, c’est du folklore judiciaire », confiait-il à de Jeune Afrique.

Il risque une nouvelle peine de prison ferme. La prochaine audience de ce procès a d’ailleurs lieu ce jour, devant le tribunal de grande instance du Mfoundi. Tour à tour ministre chargé de mission à la présidence de la République, ministre de l’Enseignement supérieur, secrétaire général de la présidence de la République, puis ministre de la Santé publique, Titus Edzoa se considère aujourd’hui comme un “séquestré politique du système” plutôt qu'un prisonnier. Il qualifie son procès de "fadaise et de balivernes de bistrot".

Claude Tadjon

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