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jeudi 14 juin 2012
Issa Tchiroma - Le fusible du Président est grillé
Accablé par des accusations de corruption dans la gestion du contrat d’entretien des avions Camair, le ministre de la Communication se retrouve dans la position de l'arroseur arrosé. Et fait feu de tout bois pour réduire au silence les journalistes et les médias impertinents.
Issa Tchiroma: Le fusible du Président est grillé
Nommé pour servir de paratonnerre, le ministre de la Communication est foudroyé par l'affaire des rétro-commissions du contrat d'entretien des avions Camair et devient gênant pour Paul Biya.
On l'avait vu entrer dans le gouvernement, on est peut-être en train de le voir en sortir. En effet, les conditions de son arrivée ressemblent étrangement aux conditions qui peuvent provoquer son départ. C'est en 2007, quand le président de la République annonce une révision prochaine de la Constitution que M. Issa Tchiroma est introduit de nouveau en scène, après plus de dix ans de passage à vide. Paul Biya redoute une forte mobilisation populaire et des forces centrifuges intérieures à son camp et qui sont opposés à son projet de modifier la Constitution de janvier 1996. Parmi ceux-ci, un certain Marafa Hamidou Yaya, fils de Garoua comme Issa Tchiroma. Adepte de Machiavel, le chef de l'Etat ne refuse pas l'offre de rapprochement avec cet homme politique en errance, mais qui peut servir à contrecarrer l'ambitieux ancien SG/PR qui ne veut pas le voir postuler pour un autre mandat.
Mais Paul Biya sait qu'il n'y a pas que Marafa Hamidou Yaya qui n'est pas favorable à une modification de la Loi fondamentale pour lever la limitation des mandats présidentiels. Derrière lui se cachent quelques intérêts occidentaux, notamment la France de Sarkozy, ce dernier lui ayant clairement signifié dès leur première rencontre en octobre 2007 à l'Elysée son attente de le voir passer la main. Le Président fera d'une pierre deux coups: il fera entrer Issa Tchiroma, président du FSNC, pour contrarier Marafa Hamidou Yaya et lui confier le strapontin de la Communication pour lui offrir la tribune nécessaire pour contrecarrer les éventuelles attaques qui arriveront de l'extérieur. Fort de ses contacts avec le cabinet civil de la présidence, le futur Mincom monte au créneau: conférences de presse, interventions dans les médias audiovisuels, l'ingénieur mécanicien formé à Paris ne s'économise pas. Il défend la révision constitutionnelle, notamment la levée du verrou de la limitation des mandats présidentiels. Comble de cynisme de Paul Biya: c'est Marafa Hamidou Yaya qui ira défendre le texte devant les députés.
Le travail bien accompli de M. Issa Tchiroma n'est que le début d'une longue collaboration avec le régime, qui atteint son point culminant avec son entrée au gouvernement le 30 juin 2009. Une nomination que n'avait pas souhaitée Marafa Hamidou Yaya, et c'est tant mieux pour le Président. M. Issa Tchiroma sera son chien méchant face aux attaques intérieures et extérieures, une sorte de fusible qui protège un système sans en faire partie. Mais, ce que craint le plus le président, c'est une campagne de déstabilisation exogène, comme ce rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) qui l'attaque sur ses supposés biens mal acquis. Il y aura aussi l'affaire des «vacances dispendieuses à la Baule» et d'autres gracieusetés comme une plainte du Code, etc. A chaque fois, M. Issa Tchiroma est au four et au moulin. Directement ou indirectement, il répond, contrattaque, au point de déborder les Rdpcistes.
Cet homme qui a développé une énorme capacité à encaisser des coups en a aussi bien donné. Il a parlé, souvent, beaucoup trop. Parfois à temps et a contre temps. Il s'est quelquefois exprimé où le silence était requis, avec pour seul objectif de faire son job, celui de mener une communication réactive et efficace avec la bonne foi de protéger le Président. Pourtant, il n'ignore pas la précarité de sa position et l'ingratitude de son rôle. Intelligent, M. Tchiroma sait que le Président le sacrifiera dès que l'occasion se présentera, des qu'il cessera d'être utile. Avec les révélations de Marafa et la proposition d'une enquête parlementaire introduite par le SDF sur l'accident du Boeing 737 Le Nyong, M. Issa Tchiroma demeure utile, mais est devenu gênant. Il devait être le fusible, il est grillé. Les documents rendus publics, en attendant de savoir jusqu'à quel point ils compromettent le Mincom, sont en effet confondants. Le refus de M. Issa Tchiroma de répondre à ces accusations au cours d'une conférence de presse qu'il a lui-même organisée en rajoute au flou. Dans sa volonté proclamée de nettoyer les écuries d'Augias, le chef de l'Etat a désormais un cailloux dans la chaussure. Il s'appelle Issa Tchiroma Bakary.
Parfait N. Siki
Un retour de bâton. Lundi 11 juin, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, au terme des travaux présidés par M. Cavaye Yéguié Djibril, le président de l'auguste institution, reçoit la résolution du Social Democratic Front (SDF) sur la «constitution d'une commission d'enquête parlementaire au sujet de la non indemnisation des soixante-onze (71) victimes du Boeing 737-200 (Le Nyong) qui s'est écrasé à Douala le 3 décembre 1995». Le texte a été envoyé à la Commission des pétitions et des résolutions pour examen au fond. Une grande première dans les annales parlementaires camerounaises.
Cette démarche inédite envoie un écho d'autant plus retentissant qu'elle vise le ministre de la Communication (Mincom), accusé dans la quatrième lettre de l'ex-ministre d'Etat Marafa d'être bénéficiaire des rétro-commissions et complice de la non-exécution des contrats d'entretien ayant conduit au crash du Boeing 737 et à la sortie de piste à Paris du Boeing 747. D'après le rapport d'enquête publié par l'hebdomadaire L'Oeil du Sahel dans son édition du 11 juin, M. Issa Tchiroma reconnait avoir obtenu des pots-de-vin.
Quelques jours plus tôt, le Mincom a convoqué quelques journalistes pour une conférence de presse consacrée à la déferlante suscitée par les lettres ouvertes de M. Marafa Hamidou Yaya. Au cours de son échange avec la presse, M. Issa Tchiroma se contente d'exiger des hommes de média qu'ils ne relayent plus ces lettres ouvertes, au besoin ils doivent les froisser et jeter dans la poubelle. Et invite l'ex ministre d'Etat de se préparer plutôt à affronter la Justice au lieu de déployer son énergie à distraire l'opinion.
En revanche, il botte systématiquement en touche toutes les questions embarrassantes de ses intervieweurs sur sa responsabilité dans ce scandale né au moment où il était ministre des Transports. Pour ne pas perdre la face, le Mincom n'hésite pas à recourir à l'intimidation. M. Issa Tchiroma aurait pourtant pu se passer d'une telle gymnastique intellectuelle. Et ce n'est pas faute pour ses conseillers en communication et autres collaborateurs d'avoir essayé de le dissuader de parler.
«On a utilisé tous les arguments, 30 minutes avant le début de la conférence de presse, on en était toujours à essayer de convaincre le ministre de faire dans le meilleur des cas une simple déclaration. En vain. Même s'il ne cessait de marteler qu'il n'a peur de rien, mais quiconque le connait pouvait bien se rendre compte qu'il donnait en réalité l'impression d'une personne acculée et poussée dans ses derniers retranchements», souffle-t-on dans son entourage.
La preuve, après cette conférence de presse, certaines rédactions reçoivent pour consigne de mettre sous le boisseau toute actualité défavorable au Mincom. Mardi 12 juin, même le téléspectateur le moins avisé a bien perçu l'embarras de Jean Jacques Ze au cours de la revue de presse matinale sur Canal 2. Si le rédacteur en chef a bel et bien commenté les unes secondaires du quotidien Mutations, il ne dira mot sur la grande Une consacrée justement à «Une enquête ouverte contre Issa Tchiroma».
Bien avant, le Mincom avait carrément suspendu Guibai Gatama des plateaux de débats télévisés, en l'occurrence «Scènes de presse» diffusé dimanche soir sur la Crtv. M. Issa Tchiroma reproche au directeur de publication de L'œil du Sahel de s'être toujours fait le devoir de rappeler à l'opinion publique toutes les avanies que le président du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc) déversait sur le Renouveau et son initiateur du temps où il était une tête de proue des mémorandistes du Grand-Nord. Surtout que le patron de cet hebdomadaire régional ne se prive pas de révéler ses turpitudes dans la mare politique du Nord tout en repoussant les offres de conciliation de toute nature portées par des émissaires. «Sa détermination à tirer le maximum d'un régime au sein duquel il est convaincu d'avoir trop souffert le pousse à tout», croit savoir une source de la scène politique du Grand-Nord.
C'est que, dès son retour au gouvernement le 30 juin 2009, le ministre de la Communication (Mincom) n'a eu de cesse de décocher des flèches en direction de tous ceux qu'il soupçonnait de contrarier le Président ou son action. Le porte-parole non désigné s'illustre alors par une prise de parole a hue et a dia. Affaires Bibi Ngota, du bébé volé de Vanessa Tchatchou ou du Pid, opération Epervier, lettres ouvertes de M. Marafa….M. Issa Tchiroma ne se retient sur aucun sujet ou événement.
Au mépris de la présomption d'innocence ou de la retenue langagière qu'impose sa posture institutionnelle, des mots comme «prévaricateurs et prédateurs de la fortune publique», «bandits», «malfrats» enrichissent son vocabulaire. Au passage, il règle des comptes personnels. «Issa Tchiroma, qui accomplit sa mission avec tant de zèle, s'est tellement posé en annonciateur de la République exemplaire qu'il lui sera difficile, après ces révélations sur lui, de s'adresser encore aux Camerounais». L'arroseur arrosé.
Dominique Mbassi
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