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jeudi 27 janvier 2011
PAUL BIYA ET JOHN FRU NDI SE VOIENT DEPUIS TOUJOURS
Albert Dzongang. Candidature unique de l’opposition, rapprochement entre le Chairman du Sdf et le président de la République, alternance au sommet de l’Etat, comice agropastoral..., au menu de l’entretien avec le président de la Dynamique citoyenne.
Le Sdf, par la voix de son vice-président Joshua Osih, vient de rejeter l’idée d’une candidature unique de l’opposition à la prochaine élection présidentielle. Un refus qui semble-t-il, vous irrite. Qu’y a-t-il de grave dans cette position du chairman ?
Il y a plusieurs manières d’aider à la réélection du président Biya, ou de tout autre candidat du parti au pouvoir, si par surprise le sortant ne se représentait plus. Il faut savoir que le code électoral en, vigueur au Cameroun prévoit une élection à un tour. Pour avoir une chance de battre le candidat du parti au pouvoir, tous ceux qui disent vouloir le changement, doivent avoir une démarche unitaire. Il faut tout faire pour amener un grand nombre de citoyens à s’inscrire sur les listes électorales et aller voter effectivement. Il faut se présenter en un bloc uni, c'est-à-dire avoir un candidat unique face au pouvoir. Tous ceux qui découragent les gens d’aller s’inscrire, ou qui refusent une démarche unitaire, sont des agents du pouvoir qui veulent assurer une victoire sans bavure au Rdpc. Ceux-là ne devraient plus se dire opposants, mais complices du pouvoir. Combien de Camerounais ou partis politiques sont capables aujourd’hui d’avoir un représentant dans chaque bureau de vote sur les 20.000 disséminés à travers le territoire national ? Au moment où le Rdpc, grâce aux agents de l’Etat militants, est sûr de couvrir tous les bureaux, sans l’union de l’opposition, la surveillance du vote leur est impossible, et les contestations électorales inutiles.
Les autres leaders politiques de l’opposition soutiennent que Biya peut être battu dans les conditions actuelles, et que la candidature unique est un serpent de mer, compte tenu de l’expérience du passé. Que leur répondez-vous ?
Ceux qui veulent absolument être candidats pour faire de la figuration se repartissent en deux catégories : les affamés qui veulent grâce à la subvention se faire un peu d’argent ; les complices du pouvoir qui créent la diversion pour donner un peu de crédibilité aux élections aux yeux des organismes internationaux, pour passer nuitamment à la caisse. Les Camerounais ne doivent plus être dupes. Si ces gens veulent se servir des élections pour s’enrichir, autant leur couper l’herbe au pied et revenir au parti unique, voter tous pour le parti au pouvoir. Ainsi, personne n’ira dire au président Biya que c’est grâce à lui qu’il est réélu. , et aucune région ne sera écartée de la gestion du pays sous prétexte qu’ils n’ont pas voté pour le président. Alors que celui à qui ils ont donné leurs voix est en réalité complice de celui qu’ils croyaient censurer. Dans ce cas, moi-même je serai directeur de campagne de Paul Biya.
Le fait politique majeur au Cameroun reste sans conteste le rapprochement entre le chef de l’Etat Paul Biya et John Fru Ndi. Un tel rapprochement sonne-t-il le glas pour l’opposition dite radicale?
Ce qui s’est passé à Bamenda et à Yaoundé n’étaient que les parties visibles de l’iceberg des relations intimes entre le président Biya et monsieur Fru Ndi. Il faut lire tout cela au deuxième degré. Le fait que le président de la République ait parlé officiellement à Fru Ndi au Nord-Ouest montre que politiquement, comme les résultats des dernières élections le prouvent, monsieur Fru Ndi était ramené à sa dimension provinciale. Il a été d’abord reçu comme élite du Nord-Ouest à Bamenda, et est allé à la présidence de la République au titre du président d’un parti représenté à l’Assemblée nationale. Le protocole a pris soin de le placer à côté d’Ekindi. Il n’y avait ni Ndam Njoya ni Bello Bouba, qui eux aussi ont des députés à l’Assemblée nationale. Je crois que cette mise en scène consistait à bien montrer que ces soi-disant opposants inconditionnels de Paul Biya étaient devenus ses fervents admirateurs ; le chasseur de lion se courbant devant le lion et le champion de « Biya must go » souhaitant « happy new year » à Monsieur Paul Biya. Au-delà de tout ce cinéma, il faut se poser la question de savoir qu’est-ce qui s’est vraiment passé.
Qu’est-ce qui peut avoir motivé le chairman du Sdf à adopter cette nouvelle démarche qui rompt avec toute radicalité ?
Monsieur Fru Ndi qui, hier encore, fort d’un soutien inconditionnel que des candides et innocents Bamileké lui apportaient, s’est retourné et s’est aperçu que tous ses moutons avaient foutu le camp. Et que, du fait des troupes, il ne lui restait que quelques chétifs malades. En bon intelligent, il a compris qu’il n’avait plus le charme pour jouer à la concubine convoitée de M. Biya. Et a vite gagné le harem, pour être simple coépouse. La politique étant cruelle, il lui a été exigé de faire allégeance sur la place du marché. Il compte cependant rebondir avec ces images. Car, sous prétexte que le président Biya pourrait lui offrir quelques strapontins dans un gouvernement à venir, les quelques derniers tocards qui comptaient le quitter peuvent encore rester dans l’espoir de faire partie du contingent. En réalité, le mythe de celui qui dans ce monde moderne prétendait attraper les balles avec les mains et demandait l’accord du peuple pour tuer Biya dans ses envolées de « I killam ? », était tombé. Il ne lui restait plus qu’à survivre autrement.
Vous avez affirmé à plusieurs occasion, bien avant Bamenda et Yaoundé, que Biya et Fru Ndi se voyaient souvent. Maintenez-vous cette affirmation ?
Je le répète une fois encore, Depuis toujours, Biya et Fru Ndi se voyaient. Et Biya l’avait dit. Qu’il l’a souvent aidé. D’ailleurs, Biya l’a assisté pour tous les malheurs qu’il a eus. Ce qui n’est pas le cas pour d’autres opposants.
Compte tenu de ce que vous dites vous-mêmes de l’opposition, comment peut-on alors envisager un changement au Cameroun ?
La réponse est donnée par ce qui vient de se passer en Tunisie. Le changement est une affaire du peuple et non d’individus. Il ne se programme pas très souvent. Il surprend tout le monde, en commençant par les plus assurés. Quand les gouvernants se font élire par des scores fleuve, effleurant les 100%, alors que le peuple traîne le diable par la queue, que les denrées de première nécessité deviennent inaccessibles, qu’aucun soin primaire n’est garanti, les rangs des chômeurs grossissant à une vitesse vertigineuse, il faut être vraiment idiot et fou pour croire que cette condition peut être permanente. Ceci suppose que soit, comme en Tunisie le volcan se soulève, ce qui est dangereux pour tout le monde, soit que les gouvernants redescendent sur terre, revoient leur politique, sortent de la logique des clans et constituent pour la conduite des affaires de leur pays, une équipe au service de la nation et non un clan de profiteurs, de magouilleurs, de flagorneurs qui narguent un peuple qui ne demande que le minimum pour vivre. Après les sorties du chef de l’Etat lors de son discours de fin d’année et les dernières déclarations au cours du comice d’Ebolowa, constatant l’échec de notre politique de développement, le peuple serait en droit d’attendre qu’une nouvelle politique soit conduite par des hommes nouveaux. Il ne faut pas se leurrer, ceux qui pendant des années l’ont accompagnés pour le résultat que nous constatons, certains pendant des décennies, ne sont pas qualifiés pour la politique d’espoir promise par le chef de l’Etat. Il vaut mieux le faire quand tout est calme que d’attendre d’être dans la situation de Ben Ali, pour annoncer les mesures que le peuple n’écoute plus.
S’agissant des défis indiqués par le chef de l’Etat, vous vous attardez ces dernières semaines sur celui de l’agriculture. Quelle est votre propre recette là-dessus ?
La seule richesse à la portée de nous tous, donnée par Dieu, c’est l’exploitation de notre sol nourricier. Le travail à la portée de tous les camerounais se trouve dans l’agriculture. Quand le chef de l’Etat parle de la nouvelle politique de gestion des terres, de la modernisation des méthodes culturales, nous sommes prêts à l’accompagner dans la mise en pratique de cette nouvelle orientation. Souvenez-vous que quand nous étions encore au Rdpc, nous avons constaté que toutes les promesses du chef de l’Etat manquaient les acteurs de leur mise en œuvre. C’est pour cela que nous avons créé le courant des rénovateurs, pour nous mettre au service du renouveau. Si après tous ces discours de fin d’année et d’Ebolowa, le président compte se faire re-accompagner par la même bande, il aura mis du vin neuf dans de vieilles outres. L’autre changement doit être celui de la notion de l’intérêt national. Que la culture de l’intérêt tribal, régional, soutenue par le socle d’autochtones, d’allogènes, minorités sans majorités, soit revue pour être remise dans un contexte constructif et non destructif. Que le mérite passe enfin avant l’appartenance ethnique, le clanisme et le favoritisme. Pour qu’on commence enfin à célébrer la chose commune. Parce qu’en fait le nid du problème Ivoirien par exemple, c’est l’exclusion d’une partie de la population de la gestion de la chose publique.
Parlant justement de l’exclusion, comment se manifeste-t-elle au Cameroun ?
Il n’y a de doute pour personne, que beaucoup de recrutements dans l’administration civile et militaire sont fait à base ethnique ou clanique. Toute chose qui cultive des sentiments de frustration et fait le lit à une volonté d’explosion. En Côte d’Ivoire, les gens ont cru mettre de côté les ressortissants de la région du Nord, ce qui a amené la rébellion prête à renverser les institutions, n’eut été le concours de la France. Le même cliché se retrouve au Cameroun, suivez mon regard.
Est-ce pour autant que vous insinuez qu’il pourrait y avoir explosion de violence au Cameroun ?
Dans les conditions actuelles au Cameroun, tous les changements possibles risquent se faire dans la violence. Il n’existe pas d’agent au service de l’Etat au Cameroun. Tout le monde est membre du Rdpc, y compris les militaires et les magistrats. Alors qui garantit la continuité et la neutralité de l’Etat en cas de changement ? Ceux qui le font sont dans l’ignorance. Ils tuent le pays sans s’en rendre compte. Les hommes doivent passer et les institutions doivent rester. Heureusement que ce sont des militants de façade, et des thuriféraires du parti. Ça ne trompe plus personne. Si les proches de Ben Ali ne s’étaient pas accaparés les biens de l’Etat, on ne les aurait pas attaqués.
Propos recueillis par Denis Nkwebo
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