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lundi 3 janvier 2011

DISCOURS DE PAUL BIYA 31 DEC 2010


Camerounaises, Camerounais,

Mes chers compatriotes,

L’année 2010 qui s’achève n’aura pas été, à bien des égards, une année comme les autres pour le Cameroun. Elle a d’abord été marquée par un événement mémorable : la célébration du cinquantenaire de l’accession de notre pays à l’indépendance. Elle a également vu le début de la mise en œuvre de notre stratégie décennale pour la croissance et l’emploi, première phase de notre marche vers l’émergence. Enfin, elle a montré que notre pays était en mesure de jouer un rôle notable sur la scène internationale.

Si vous le voulez bien, regardons les choses de plus près.

La célébration du cinquantenaire nous a donné l’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis 1960. Elle nous a surtout fait prendre plus nettement conscience que nous étions incontestablement devenus une Nation et constater qu’au fil des années, nous avions réussi à mettre sur pied des institutions comportant les principales caractéristiques d’un Etat démocratique : institutions représentatives, droits et libertés civiques, accès à l’éducation et aux soins de santé, entre autres.

Cet examen rétrospectif nous a aussi permis de prendre la mesure de nos lacunes et de ce qui nous reste à accomplir pour accéder à la modernité. Pour beaucoup d’entre nous, et en particulier les jeunes, je crois que cet exercice a été salutaire, car il ne peut que nous engager à relever avec détermination les nouveaux défis qui nous sont proposés. A cet égard, la réflexion initiée à propos du cinquantenaire lors de la Conférence internationale de Yaoundé restera dans nos annales. AFRICA 21, qui a connu un incontestable succès, aura en effet donné l’occasion à d’éminentes personnalités de se pencher sur la période ayant suivi les indépendances africaines mais aussi et surtout d’envisager les voies et les moyens permettant à notre continent d’occuper la place qui doit être la sienne dans les affaires du monde.

2010 a été également l’an 1 de l’application de notre stratégie pour la croissance et l’emploi. Cette mise en route s’est effectuée dans un contexte encore marqué par les effets différés de la crise économique mondiale. C’est ainsi que le secteur primaire de notre économie, c’est-à-dire essentiellement notre agriculture, a connu dans l’ensemble une certaine atonie. Le secteur secondaire, principalement l’industrie, a manifesté une tendance au redressement mais a souffert d’un déficit évident d’énergie. C’est le secteur tertiaire, autrement dit les services, qui s’est montré le plus dynamique, particulièrement le commerce, les télécommunications et les transports.

Ce ralentissement relatif de l’activité économique nationale, à l’image de l’économie mondiale, pays émergents exceptés, n’a pas été sans conséquences pour l’équilibre de nos finances publiques, lesquelles ont enregistré un fléchissement des recettes dû à un tassement du produit des taxes et impôts et des droits de douanes, alors que dans le même temps les dépenses publiques s’accroissaient. Dans ces conditions, nous n’avons eu d’autre choix que de procéder à une réduction des dépenses qui s’appliquera essentiellement aux dépenses de fonctionnement. Les crédits d’investissement ne devraient pas être affectés. Il s’agissait non seulement d’adapter notre dispositif budgétaire à la situation mais aussi de maintenir notre crédibilité aux yeux de nos partenaires. J’en profite pour rappeler, une nouvelle fois, que dans les circonstances présentes la sous-consommation des crédits est incompréhensible.

Comme vous le savez, notre stratégie comporte la mise en œuvre de grands projets agricoles, miniers, industriels, énergétiques et infrastructurels. Même si la concertation avec les investisseurs concernés s’est poursuivie, il faut bien admettre que la crise a eu un effet retardateur sur leur démarrage, à quoi s’est ajoutée – il faut bien le dire – une certaine passivité de quelques responsables. Néanmoins, plusieurs projets sont en bonne voie comme ceux des barrages hydroélectriques de Memve’ele et de Lom Pangar ainsi que de l’usine de liquéfaction de gaz de Kribi. Pour les autres, les négociations continuent avec les groupes intéressés et nous espérons qu’elles aboutiront prochainement.

Face à cette situation et pour gagner du temps, il a été décidé de lancer un grand emprunt obligataire de 200 milliards destiné en priorité au financement des projets structurants. L’Etat entend ainsi donner l’exemple, comme l’indique la création récente de la société HYDROMEKIN à capital public qui sera chargée de la construction d’un barrage et d’une centrale sur le cours du Dja avec la coopération de la République Populaire de Chine. D’autres projets, comme ceux qui concernent le port de Kribi, les infrastructures routières et l’agriculture, pourront bénéficier de ce genre de financement qui permet de mobiliser l’épargne nationale et de mettre à profit l’actuelle surliquidité des banques.

L’impact de la crise s’est également fait sentir sur l’équilibre de notre commerce extérieur. En effet, tandis que nos exportations marquaient le pas, nos importations continuaient de croître à un rythme élevé. Hors pétrole, notre balance commerciale serait nettement déficitaire. Nous en connaissons les raisons. La formule bien connue « le Cameroun produit ce qu’il ne consomme pas et consomme ce qu’il ne produit pas » montre bien le caractère encore extraverti de notre économie. Je me suis souvent exprimé sur ce sujet en préconisant l’augmentation de la production agricole qui nous dispenserait d’importer des quantités considérables de denrées que nous pourrions produire nous-mêmes.

C’est donc un constat nuancé qu’il convient de faire sur l’évolution de notre économie, encore affectée par la crise, au cours des douze derniers mois. Les fondamentaux restent bons et les mesures que nous avons prises pour passer ce cap difficile ont été approuvées pour l’essentiel par les institutions financières internationales. Par ailleurs, les prévisions pour le moyen terme sont plus favorables avec un raffermissement des cours de nos principaux produits d’exportation et une amélioration prévue du taux de croissance dans la zone CEMAC.

Notre action diplomatique, pour sa part, a connu une évolution plutôt favorable. Je crois pouvoir affirmer que la voix du Cameroun est désormais mieux écoutée et entendue. J’ai eu en effet l’occasion, à plusieurs reprises et dans différents forums, de m’exprimer sur des sujets intéressant les pays en développement et en particulier les pays africains. D’une façon générale, j’ai plaidé la cause d’une meilleure prise en compte de leurs intérêts au niveau mondial et pour une plus grande solidarité à leur égard. Je me réserve de revenir plus en détail prochainement sur ce que l’on pourrait appeler la « renaissance » de notre diplomatie. Mais, d’ores et déjà, je tiens à rendre hommage au travail de nos représentations à l’étranger ainsi qu’à notre diaspora qui donne de notre pays une image de sérieux et de dynamisme.

Après ce bref retour en arrière, permettez-moi de voir avec vous ce que nous pouvons attendre de l’année nouvelle.

Elle ne sera pas non plus une année ordinaire.

Nous allons en effet, en 2011, célébrer le 50ème anniversaire de notre réunification. Longtemps séparées du fait de la colonisation, les deux parties de notre pays ayant vécu sous la tutelle de la France et de la Grande Bretagne recouvraient leur unité le 1er octobre 1961. Le Cameroun décidait alors d’assumer la plénitude de son passé, de son unité dans la diversité, de son indépendance et de sa personnalité politique. Ce fut une belle aventure. Personne n’y croyait, seuls nous, y croyions. Nous y sommes arrivés. Aujourd’hui, nous formons une Nation, une grande Nation, une Nation unie, fière de sa diversité culturelle et linguistique qui est richesse, une Nation qui aborde son avenir avec assurance. Au-delà de la symbolique forte qu’elle incarne, la réunification doit donc être vécue comme une étape extraordinaire de la marche de notre pays vers son intégration qui permet de faire de notre diversité une force pour atteindre nos objectifs communs.

La Nouvelle Année sera aussi celle des élections et particulièrement de l’élection présidentielle, moment crucial de notre vie démocratique. Pour donner à celle-ci toute sa signification, il est important que la participation électorale soit aussi élevée que possible. C’est pourquoi je vous invite instamment à vous inscrire sur les listes électorales. Le droit de vote, ne l’oubliez pas, est l’un des droits fondamentaux du citoyen que celui-ci a le devoir d’exercer.

Pour que ce scrutin soit incontestable, je compte beaucoup sur ELECAM qui bénéficiera de l’appui nécessaire de l’administration et des partis politiques lors des opérations électorales. J’ai toutes raisons de croire que les prochains mois suffiront à ELECAM pour mettre la dernière main à son dispositif sur le terrain. Nous aurons bien entendu l’occasion de reparler de tout cela.

Quelles seront les perspectives de notre économie dans les prochains mois ? Même si elles restent inévitablement influencées par le contexte mondial, elles devraient confirmer les signes encourageants que j’ai mentionnés il y a quelques instants. Nous pouvons espérer, avec l’augmentation de la production et de la consommation nationales, un retour de la croissance au niveau antérieur à la crise. Certes, ceci n’est pas suffisant mais nous avons bien l’intention de ne pas nous en satisfaire.

En effet, consommer c’est bien. Mais produire c’est mieux. Nous allons donc relancer notre production agricole, ce qui est à notre portée. D’abord, en stimulant nos cultures vivrières qui pâtissent des difficultés de communication. Ensuite, en encourageant nos cultures de rente qui vivotent depuis vingt ans alors que les cours sont redevenus rentables. Enfin, en redynamisant notre agriculture industrielle, tournée vers l’exportation, qui a des capacités non exploitées. J’ajoute que ce secteur présente le double avantage d’être créateur d’emplois et de richesses.

Nous allons également nous efforcer de développer nos industries de transformation, génératrices de valeur ajoutée, dans les secteurs du bois, de certains produits d’origine agricole, de la petite métallurgie et, lorsque nos projets miniers démarreront, de première transformation.

Je n’ignore pas que ces projets se heurtent aux obstacles du crédit et de la fourniture d’énergie. S’agissant du premier, je crois que les dispositions des bailleurs de fonds et du secteur bancaire redeviennent plus favorables et les financements plus accessibles. Quant à l’énergie, je suis déterminé à faire sortir de l’ornière plusieurs dossiers qui stagnent depuis trop longtemps. J’aimerais par ailleurs être sûr que nos grands projets font l’objet d’un suivi suffisamment volontariste.

D’autre part, il va de soi, quelles que soient les circonstances, que le Gouvernement poursuivra son action dans le domaine social.

L’effort de l’Etat au profit du secteur de l’éducation est déjà très important à tous les niveaux. Le nombre des élèves et des étudiants en constante progression nous l’impose. Le nombre des infrastructures scolaires et universitaires se multiplient. Nous ne nous arrêterons pas en chemin.

Il en va de même pour la santé. De nouveaux centres de soins s’ouvrent chaque année. Des hôpitaux sont en construction ou en projet. Des médecins et des personnels de santé sont formés et recrutés. Le plateau technique des formations hospitalières se perfectionne. Les programmes de vaccination se poursuivent. La lutte contre les grandes pandémies ne se ralentit pas. A ce propos, je suis heureux d’annoncer que j’ai décidé de supprimer le coût du traitement du paludisme simple des enfants de moins de cinq ans qui est une des causes principales de mortalité dans cette tranche de notre population. Nous continuerons dans cette voie.

Est-ce suffisant ? Sans doute pas, mais les ressources de l’Etat ne sont pas inépuisables. Si la reprise est vigoureuse, nous disposerons alors de plus de moyens qui seront affectés aux secteurs sociaux.

Quant aux conditions de vie de notre population, elles restent au premier plan de nos préoccupations. Pour l’accès à l’eau, je pense que la situation devrait s’améliorer avec la mise en service des infrastructures en construction, notamment dans les centres urbains. Pour l’électricité, dont la pénurie pénalise non seulement les entreprises mais aussi chacun d’entre vous, je vous ai dit ma détermination à faire bouger les choses. Le manque de logements sociaux est aussi l’une des plaies de notre société. Je compte bien rouvrir ce dossier qui a fait l’objet de dérives inacceptables. Nous allons devoir rattraper notre retard.

Reste le chômage qui, avec le ralentissement de l’activité économique a eu tendance à s’aggraver. Il est clair – je le répète – qu’aussi longtemps que notre activité économique n’aura pas retrouvé un niveau normal, nous aurons du mal à le faire reculer. Le problème est de même nature partout dans le monde. Nous avons néanmoins, avec les moyens disponibles, créé des emplois dans la fonction publique, essentiellement dans l’enseignement, la santé et les forces de sécurité. Ces mesures ne règlent évidemment pas le problème général de l’emploi dont la solution est fonction de la relance de la croissance, laquelle reste notre principale préoccupation.

Bien d’autres sujets devront également retenir l’attention du Gouvernement dans les prochains mois :

• L’insécurité qui persiste malgré l’action des forces de l’ordre. De nouveaux moyens, en hommes et en matériels seront mis à leur disposition autant que possible.

• La spéculation sur les produits alimentaires qui touche les couches sociales les plus vulnérables et qui pour cette raison est condamnable. Les contrôles devront être renforcés.

• La corruption, toujours elle, sans cesse renaissante et qui s’est étendue, semble-t-il, aux marchés publics. Nous continuerons à la traquer sans pitié.

• L’insécurité routière, qui fait chaque année de nombreuses victimes. Si l’appel à la raison n’est pas entendu, sans doute faudra-t-il passer à une répression plus stricte.

• Enfin, l’état de la voirie dans nos villes, y compris les plus grandes, devra faire l’objet, là où elle est la plus dégradée, d’une remise à niveau.

Ces problèmes qui affectent votre vie quotidienne devront faire l’objet d’un suivi vigilant et d’une recherche constante de solutions.

Mes chers compatriotes,

Je vous ai dit le 17 mai dernier, à la veille de notre Fête Nationale et de la célébration du 50ème anniversaire de notre indépendance, que « nous allions changer d’époque ». Je voulais ainsi indiquer qu’après avoir posé les fondations de notre Etat, il était temps de lui donner le contenu économique et social attendu par les populations. Les différentes crises que nous avons subies, comme la plupart des pays en développement, ont en effet quelque peu retardé cette évolution.

Maintenant que l’horizon de l’économie mondiale paraît se dégager, je voudrais vous faire part de ma détermination à reprendre notre marche en avant. Bien entendu, pour ce faire, j’aurai besoin de votre soutien, lequel ne m’a jamais manqué. Ainsi, pourrons-nous nous engager dans la voie de l’émergence, avec les atouts indiscutables qui sont les nôtres.

Camerounaises, Camerounais,

Mes chers compatriotes,

Le moment est venu pour moi de vous présenter, à toutes et à tous, mes vœux les plus sincères de santé et de bonheur pour la Nouvelle Année.

Bonne et heureuse Année 2011.

Vive le Cameroun !

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