
La France a admis avoir livré des armes à des civils libyens assiégés par les forces de Mouammar Kadhafi dans une région montagneuse au sud de Tripoli, devenant ainsi le premier pays de l'OTAN à franchir ce pas dans l'espoir de parvenir à une avancée significative dans le conflit.
Ce geste audacieux est toutefois susceptible d'attirer les critiques des autres pays qui se méfient du recours à la force dans le conflit en Libye, comme la Chine et la Russie.
La livraison des armes - des roquettes propulsées par des fusées et des munitions - a eu lieu au début du mois de juin dans les montagnes de Nafusa, dans l'ouest de la Libye, quand les troupes de Kadhafi encerclaient des civils et refusaient de suspendre leurs opérations comme le demandait l'ONU pour permettre la livraison d'aide humanitaire, a indiqué mercredi un porte-parole de l'armée française, le colonel Tierry Burkhard.
Après en avoir informé les Nations unies, la France a parachuté de l'aide humanitaire aux civils de la région, notamment de l'eau, de la nourriture et des fournitures médicales. Mais la situation a continué de se dégrader, a expliqué le colonel Burkhard.
«Alors la France a parachuté de l'équipement qui leur a permis de se défendre eux-mêmes», a déclaré le colonel Burkhard à l'Associated Press.
Les armes ont été parachutées par un avion de transport militaire, a dit le porte-parole. L'impact de cette livraison d'armes reste incertain, mais depuis, les rebelles de Nafusa ont affirmé avoir avancé jusqu'à la ville de Bir Al-Ghanam, à environ 80 kilomètres de Tripoli.
Mercredi, le premier ministre libyen Al-Baghdadi Al-Mahmoudi a minimisé l'avancée des rebelles, affirmant que «la situation dans les montagnes de l'ouest est bonne et sous contrôle».
Un membre du conseil de rebelles dans les montagnes de Nafusa, le colonel Gomaa Ibrahim, a nié avoir reçu des armes de la France, affirmant qu'il s'agissait d'informations «déconcertantes». Il a précisé que les dirigeants rebelles de Benghazi, capitale de l'insurrection, tenteraient de clarifier la question avec l'OTAN.
Cette aide militaire française, décidée sans demander la moindre coopération avec les alliés de l’Otan, a ainsi permis à l’insurrection de sécuriser une région qui va de la frontière tunisienne à la localité de Gharian, à 60 km de Tripoli, et dans laquelle des terrains d’aviation de fortune auraient été établis afin de faciliter les livraisons d’armes.
Visiblement, la question de savoir si une telle aide est conforme ou pas à la résolution 1973 des Nations unies, qui a autorisé l’intervention militaire internationale contre le régime du colonel Kadhafi, a été tranchée par Paris. Le 31 mars dernier, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, avait estimé qu’une « telle assistance » n’était « pas compatible » avec le texte adopté par le Conseil de sécurité. Ce qu’avait contredit, une semaine plus tard, son collègue des Affaires étrangères, Alain Juppé, sur les ondes de France Info. « Il y a un embargo sur les armes destinées à la Jamahiriya (ndlr, le nom officiel de la Libye depuis le coup d’Etat du colonel Kadhafi), c’est à dire aux troupes de Kadhafi » avait-il affirmé. En clair, les insurgés peuvent recevoir des armes.
Quoi qu’il en soit, la France a déjà livré de l’armement aux rebelles. Selon le Canard Enchaîné, le service action de la DGSE s’y est employé à Benghazi. Et le même hebdomadaire, dans son édition du 25 mai, a indiqué que des livraisons clandestines d’armes avaient été faites sous la supervision du général Puga, l’actuel chef d’état-major particulier du président Sarkozy.
Ces armes vont-elles permettre aux insurgés de faire la jonction avec les mouvements d’opposition basés à Tripoli, comme l’espère Paris ? En attendant, ces derniers ont pris d’assaut un dépôt de munition situé à 25 km au sud de Zenten et repoussé une contre-attaque des forces loyalistes. Mais un début de réponse sera donné quand ils se mesureront aux troupes du colonel Kadhafi, qui, équipées d’armes lourdes, protègent la capitale libyenne.