Sorcellerie et pouvoir
L’un des aspects centraux de la sorcellerie équatoriale réside dans sa
relation avec le pouvoir.
Les anthropologues Peter Geschiere (2000), Birgit Meyer (1999b) John
Comaroff et Jean Comaroff (2000) font signe dans ce sens, en liant
l’apparition de nouvelles formes de sorcellerie au Cameroun, au Ghana et en
Afrique du Sud aux pressions exercées par le capitalisme international et la
globalisation des cultures locales.
Qu'ils soient pour Gbagbo ou pour Ouattara, les combattants ivoiriens sont porteurs d'amulettes et ne se lanceraient pas au combat sans avoir consulté (et payé) un marabout qui les aura blindés contre les balles de leurs adversaires. Il s'est dit que le fameux commando invisible qui s'opposait aux FDS bénéficiait d'une protection magique qui rendait ses hommes invisibles aux forces pro-Gbagbo. Plusieurs ethnies du nord de la Côte-d'Ivoire ont d'ailleurs une grande réputation dans ce domaine.
Mais leurs chefs ne sont pas en reste. Les présidents ont leurs marabouts attitrés dont les consultations se paient très cher et la défaite ou la victoire ne sont pas seulement attribuées au pouvoir des armes mais aussi à l'efficacité des protections obtenues auprès des esprits. Les changements politiques sont l'occasion de discrètes cérémonies de nettoyage des locaux utilisés précédemment par les adversaires pour les débarrasser des maléfices qu'ils auraient pu y déposer.
La sorcellerie est très présente dans les sociétés de l'Afrique au sud du Sahara et fait peser sur les esprits un climat permanent de peur. Ne connaissant pas le mal qui le menace, l'individu doit s'assurer par un recours régulier au féticheur. Ce système a des conséquences économiques importantes qui échappent aux enquêtes officielles. En plus du prix de la consultation, le montant des sacrifices (depuis un mouton jusqu'à plusieurs bœufs) atteint des sommes vertigineuses [1].
L'homme est en situation de dépendance. Impuissant devant tant de forces obscures, il reporte sur celles-ci la responsabilité de sa vie. L'Évangile est alors une vraie force de libération qui permet de trouver la maîtrise de son existence mais c'est un chemin difficile qui exige un grand acte de foi.
Cette dépendance vis-à-vis de la sorcellerie pourrait bien expliquer le succès de la franc-maçonnerie auprès des hommes politiques africains. Celle-ci serait en quelque sorte la sorcellerie des Blancs , très puissante, puisqu'elle leur apporte pouvoir et richesse. L'hebdomadaire Jeune Afrique fait paraître une série d'articles sur le sujet à la suite des XIXes Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfram) qui réunissaient à Cotonou, au début du mois de février, les francs-maçons des pays francophones. La liste des chefs d'États initiés est longue, celle des organismes publics qu'ils contrôleraient ne l'est pas moins.
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